EVERY DAY; CAMARGUE & GIRL.

Cela faisait maintenant plusieurs jours que je m'étais inscrite dans un nouveau club d'équitation, mais je n'y avait pas encore vraiment mis les pieds, à part pour faire le tour des lieux avec ma mère. Du coup, c'est toute rayonnante que j'enfourchais mon vélo en ce début d'après-midi, prête a rencontrer les chevaux. J'avais pris dans mon porte-bagages toutes les affaires nécessaires pour effectuer quelques pansages, pour commencer ça serait bien suffisant. Mes longs cheveux volaient au vent sur la route, et j'avais un large sourire à l'idée de retrouver le monde des chevaux qui m'avait tant manqué. Après avoir refait le tour des lieux pour le plaisir, j'allais enfin vers les écuries du club. Flânant entre chaque box, je me contentais d'observer les chevaux et caressais parfois le toupet de ceux qui sortaient leurs grosses têtes ! Au bout d'un moment, mon regard s'arrêta dans celui d'une jument blanche qui semblait me fixer. Elle avait les oreilles légèrement vers l'arrière, et la lèvre inférieure pendante, comme si elle dormait. Sa paupière parfois se fermait, mais ce regard avait trop l'air... Infiniment vide. Intriguée, je m'approchais, sans me cacher, et l'observa sous tout les angles. En passant de l'autre côté, la blanche eut un bref sursaut et se rétracta dans son box. Je devais l'avoir surprise en la réveillant. Je pus lire sur son box "Every Day". Drôle de nom, mais joliment porté.

Je pénétrais doucement dans le box en l'appelant d'une voix calme et posée. Malgré cela, elle couchait fortement ses oreilles vers sa nuque et me regardait d'un œil mauvais, méfiant. Heureusement je pensais toujours à prendre un ou deux bonbons. Alors fouillant dans ma poche, je lui tendis une main ouverte d'une bonne vielle friandise à la pomme, et en profitais pour lui offrir une première caresse sur l'encolure. Elle sembla accepter les deux, sans pour autant baisser sa garde. Pour la détendre, je commençais par la caresser plus longuement, et lui grattais même un peu le garrot. Elle restait froide mais je voyais bien qu'elle aimait ça. Seulement, quant je voulu passer à sa gauche, elle se mit a tourner dans son box. Alors je lui parlais pour la rassurer et elle finit par se laisser faire. Et son œil avait toujours ce truc bizarre, ce truc vide... Alors que je passais ma main devant, elle semblait ne pas réagir. Comme si elle était... Borgne ? Oui, cet œil avait tout d'un œil de verre. J'aurais du m'en douter avant, ayant déjà vu ce genre de cas sur les hommes. Pauvre jument... Au moins, je savais. Je sortis prendre ma boîte de pansage pour la décrasser mais contrairement aux normes, je commençais du côté de son œil valide pour qu'elle comprenne bien ce que j'allais faire quant je passerais à gauche.

Et pour le nettoyage il y avait du boulot ! Sur sa robe blanche, la crasse et la terre s'était incrustée et prouvait qu'on ne s'en était pas occupé depuis un bout de temps. Avec tous ces chevaux, les palefreniers ne devaient panser les chevaux qu'au moment des heures sup'... En tout cas, j'étais heureuse de m'attribuer cette tâche, et la grise ne semblait pas agacé par mes gestes francs avec l'étrille. C'est avec cette dernière que j'enlevais le + gros de la crasse, mais je me rendais compte que j'aurais dû l'attacher à l'extérieur... La pauvre allait recevoir toute cette dégueulasserie dans sa "chambre". Tant pis pour cette fois, mais il faudrait que j'apprenne a être moins tête en l'air ! Je me saisis ensuite du bouchon pour bien tout faire glisser. Je sentais que du côté de son œil aveugle, elle était méfiante, d'ailleurs elle essayait de m'observer parfois en se tordant la tête de manière assez comique, mine de rien ! Mais au bout d'un moment, constatant que j'étais calme et grâce à quelques coups de brosses massants, elle cessa son manège pour profiter de la toilette. Je terminais par la brosse douce en essayant de lui nettoyer doucement le visage... Mais visiblement elle était pas très coopérative, alors je n'insistait pas, me contentant d'enlever seulement la terre sèche bien visible à l’œil nu, laissant le détail. Et dernière étape, les sabots. Si elle donnait plutôt bien les antérieurs, elle s'appuyait sur moi comme si elle était fatiguée... Les antérieurs, elle ne voulait carrément pas les donner du tout. J'insistais en mettant mon poids sur sa croupe, pour la faire céder.

Comme elle était bien propre, je restais un peu avec elle pour quelques câlins, mais, pressée par le temps, je ne devais pas tarder a rentrer. Ceci dit, intéressée par la jument, je montais au club house pour m'informer. Je croisais une cavalière mais qui ne la connaissais pas, alors j'allais demandé à l’accueil. En quelques phrases seulement, on me raconta son histoire de l'abattoir et on me confirma pour son œil de verre. La dame de l’accueil me précisa bien qu'elle était "à remuscler" et qu'il ne fallait en aucun cas la faire travailler maintenant. C'était trop tôt. Toute émue et secouée par toutes ces nouvelles choses, je rentrais chez moi pleine de pensées et de compassion pour la belle Every Day...